Roger Cornillac raconte Jérôme Le Banner |
05-07-2011 | |
![]() Imaginez Jérôme Le Banner dans 20 ans à la rue et sans domicile fixe. C´est le livre que vient d´écrire Roger Cornillac, père du célèbre comédien Clovis, où la fiction flirte avec la réalité. Lorsque deux clodos se retrouvent à errer dans la rue cela devient « Sex, Dope and Fight ». Les deux compères répondent aux questions de Karaté Bushido. Propos recueillis par Max Pluzny > Photos : Johann Vayriot Jérôme Le Banner et Roger Cornillac arrivent avec un large sourire à la rédaction du magazine Karaté Bushido. Indéniablement les deux « SDF » sont complices et cela se voit dans leurs yeux. Le premier cité connaît les lieux comme sa poche et le second n´est pas un étranger du bureau. Alors c´est dans une ambiance bon enfant que l´on démarre l´interview. ![]() Roger Cornillac : J´ai rencontré Jérôme sur le tournage du film « Scorpion » avec mon fils Clovis (Cornillac). Ensuite, on s´est revu à Cannes pour la promotion de ce long-métrage. Là , il me dit : « C´est toi qui vas écrire mon bouquin, ma vie ». Je lui réponds : « Oui, pourquoi pas, mais je ne suis pas journaliste ». Jérôme enchaîne en me disant : « Tu es comme moi, un loup ; nous sommes dans la même tribu. » J´ai pris le pari de l´écrire. Cela devait s´appeler « Sex, Drugs and Fight » et s´est devenu « Sex, Dope and Fight ». Un titre joli, très rock´n roll. Mais il fallait que ça me parle aussi... Pourquoi le choix de Roger Cornillac pour écrire votre livre ? Jérôme Le Banner : Quand j´ai vu Roger dans un grand hôtel de Cannes, j´ai vu un mec qui en impose. Le genre d´individu qui est sur un banc, qui relate sa vie et qui ne prêche que par le passé. Genre : « Avant c´était mieux hein ». J´ai trouvé le personnage cynique alors que l´on était dans un endroit très standing avec des gens bien. Roger, lui, n´en avait rien à faire pour ne pas dire rien à foutre. Le titre SDF me faisait rigoler. On dit souvent que les boxeurs finissent toujours mal, alors pourquoi pas dans la rue. On n´a pas romancé ma vie, mais une vie. Pour moi donc, finir mal, c´était finir dans la rue comme un SDF. Personne en règle générale ne veut finir comme ça. On a tous dit à nos enfants, « si tu ne travaille pas bien à l´école, tu vas faire comme le monsieur parterre ». Cela me fait peur de finir comme ça. Vous n´avez pas rencontré de difficultés pour « déshabiller » Jérôme ? R.C. : Il m´a déshabillé autant que je l´ai déshabillé, mais avec beaucoup de pudeur bien sûr ! Nous nous sommes livrés autant. Le milieu sportif et notamment celui de la boxe, je ne connaissais pas du tout. Ce que j´ai découvert à travers Jérôme, en dehors de l´homme, c´est le rapport à la violence. En fait cette violence est contre soi. Le premier adversaire que l´on peut avoir dans la vie c´est soi-même et ce ne sont pas les autres. C´est une notion que je ne connaissais pas du tout. J´ai découvert ça au travers de la vie de Jérôme ; une vie pittoresque, singulière, excessive ! J´ai mes excès et mon pittoresque, mais cela n´a rien à voir. Ce n´est ni mieux, ni pire, c´est autre chose. Dans ce livre, on se raconte l´un et l´autre. L´intérêt de ce roman, c´est que ce sont deux êtres qui se racontent avec pudeur, avec mystère, sur des choses qu´ils ne connaissaient pas. Jérôme connaissait moins le cinéma que moi et inversement pour le sport. Nous avons des points communs, beaucoup sur le plan humain, la sensibilité, la révolte, sur le plan de la perception des choses, sur le mensonge, de l´hypocrisie qui sont dans les métiers artistiques et sportifs ; quelques fois identiques. C´est une vie de Jérôme Le Banner ? J.L.B. : C´est un roman où toutes les anecdotes sont vraies, mélangées à de la fiction. Je me suis lâché sans problème car j´aime beaucoup Roger. Nous avons commencé au moment où j´ai tourné « Astérix aux Jeux Olympiques » avec encore une fois Clovis Cornillac qui est mon parrain dans le cinéma. Par la suite avec Roger, on s´est vu un paquet de fois sans parler de son fils, ni de tournage. On parlait de « gonzesses », de « cul », de boissons alcoolisées ou non... Ce roman parle véritablement de quoi ? J.L.B. : Deux SDF qui se rencontrent au détour d´une rue et qui ont une vision complètement différente de leur vie. Ils ont plein de blessures et ces dernières sont racontées au fil des pages. ![]() R.C. : Le moment le plus fort est parti d´une interview faite, je crois, dans Karaté Bushido où Jérôme disait qu´il finirait soit SDF ou bien avec une balle dans la tête. J´ai proposé à Jérôme de le raconter avec 20 ans de plus et que vie ratée ou pas ratée, il finissait SDF avec un pote. Dans le début du roman, on ne connaît le passé ni de l´un, ni de l´autre. Il se passe beaucoup de choses dans les rues et notamment à Paris ; des choses révélatrices comme un tournage de cinéma et des gens qui se défoncent la tronche ; il y a un vieux qui joue de l´accordéon... Plein de situations qui font que Jérôme le SDF dans le roman se révèle petit à petit et se raconte. Mais la façon dont son compagnon de rue l´entend, le perçoit, fait que c´est romanesque. Jérôme, vous avez lu le livre ? J.L.B. : Non ! J´ai fait une totale confiance à Roger qui a habité chez moi. Il est venu avec moi au Japon, on a beaucoup parlé, il m´a bien senti. Roger est un ami pas juste mon biographe. On continuera et heureusement à se voir après la sortie de ce livre. Mais je n´ai pas voulu le lire. Je préfère lire Flaubert ou Balzac. Ce n´est pas une biographie. Mais il y´a plein d´anecdotes dont de nombreuses avec Pascal Igliki que vous connaissez. Mais on ne peut pas tout dire donc on a un peu romancé. Roger est un mec sincère dont j´adore lire les mails. Il écrit comme personne pour moi. Aujourd´hui vous connaissez bien Jérôme Le Banner ? R.C. : Mieux le connaître, oui ! Bien le connaître... en amitié, c´est comme en amour, il y a une partie qui reste secrète. Il y a beaucoup de pudeur avec mes amis pour l´écriture de ce roman ; avec Jérôme, avec Pascal (Igliki) qui m´a beaucoup dans l´approche de cette discipline. A travers Jérôme, je trouve qu´il y a une grande tendresse qui me touche beaucoup plus souvent que dans le milieu artistique qui est bien plus superficiel. Cela vous a été difficile de trouver un éditeur ? R.C. : Oui, très difficile pour plusieurs raisons. La première étant tout ce qui touche au domaine sportif, associer le sexe, la drogue et la violence... ne serait-ce que le titre. Nous n´avons pas cherché dans une maison d´édition sportive, comme si tout le monde ne savait pas que... Certains éditeurs connaissent Jérôme et j´ai eu des propositions uniquement sur le plan biographique. Cela ne nous intéressait pas avec Jérôme. On voulait faire un truc singulier, original ; c´est ambitieux, prétentieux, cela ne ressemble à rien, c´est vrai, mais parce que c´est unique, je crois que ce sera intéressant. Il y aura beaucoup de dessins fait par un artiste brillant, Zou, et beaucoup d´autres choses très originales. C´est donc l´Oeil du Souffleur avec Astrid Cathala qui a édité ce livre. ![]() J.L.B. : Bien sûr ! J´aurais pu avoir la vie de ce roman, c´est évident. J´ai déjà eu peur et j´ai encore peur que tout s´écroule autour de moi. J´aurais pu être agriculteur, je suis un terrien. Mais bon je n´ai pas été trop idiot dans ma vie. Qu´attendez-vous avec la sortie de ce livre ? R.C. : J´ai très peu été à l´école et donc le fait d´être lu est pour moi quelque chose de vertigineux. Cela me permet de relativiser entre le milieu intellectuel et le milieu sportif. On a tendance dans le milieu intellectuel de diminuer l´intelligence, la sensibilité des sportifs en général. Avec Jérôme, j´ai voulu dire que tous les sportifs ne sont pas des « gogoles ». Ce sont des gens qui pensent, qui réfléchissent et que la violence dans la Boxe Thaï ou le K-1 est quelque chose qui est réfléchie. J´ai découvert à travers Jérôme, Bruce Lee, qui était pour moi un acteur de trampoline au cinéma. Mais c´est un monsieur qui a fait des études philosophiques, qui a étudié Socrate. J´ai découvert tout cet univers-là et j´ai envie que les gens à leur tour le découvrent. Et vous Jérôme ? J.L.B. : Que ça change la vie de mon ami et qu´il soit heureux. Clovis m´a confié que son père avait écrit pas mal de trucs qu´il n´avait pas eu le droit de lire. Roger Cornillac possède une plume magnifique. C´est d´ailleurs Clovis qui fera la préface du livre. Que peut-on vous souhaiter ? R.C. : J´ai peur, c´est un pari, mais bon. Être lu c´est quelque chose d´important. Si ça marche tant mieux. ![]() J.L.B. : Beaucoup de choses ont été dites, ils sont en dépôt de bilan, c´est un peu confus tout ça. J´ai un avocat (au Japon) sur le coup puisque le K-1 me doit encore un combat. Vous avez forcément été touché par les évènements qui ont frappé le Japon (tremblement de terre et tsunami) ? J.L.B. : Bien sûr, c´est pour cette raison que j´ai combattu le 28 avril à Tokyo pour l´IGF (Inoki Genome Federation), une organisation de monsieur Inoki. Une soirée organisée au profit des sinistrés de Sendaï. J´y retourne en juillet car cela a bien marché. « Bibi » le vétéran du K-1 a toujours la cote au Japon. Je dois ma vie à ce pays. Je vais essayer de mettre Peter Aerts dans le coup. Le cinéma vous fait les yeux doux ? J.L.B. : Roger m´a présenté un réalisateur avec qui je vais bosser et en ce moment je prépare un film avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche, « Les infidèles ». Roger je vous laisse le mot de la fin. R.C. : Moteur, ça tourne... Source : Karaté Bushido n°390 du mois de juin 2011. Sortie du livre "Sex, Dope and Fight" prévue en juillet. |
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